Les avantages d'être malade

Vous ne vous doutiez pas qu'être malade comportait des avantages. Je vous le dis, la période de traitement n'est pas qu'une longue traversée ou la mer est agitée. 

   Franchement , j'ai eu l'occasion de beaucoup rigolé. La situation était marrante parce que forcément, j'étais malade.  
J'ai adoré mettre un peu d'ambiance dramatique chez Séphora et embêter les vendeuses. Après une rapide explication du "je vais avoir besoin de me dessiner les sourcils ", j'ai eu droit de sa part à: 

                    " Il fait chaud non? je reviens je vais éteindre le                         chauffage..."  
Bon ok, c'était pas sympa, mais c'était drôle. 
    J'ai beaucoup usé de cette expression qui m'a sauvé plus d'une fois " je peux pas, j'ai un cancer". Ça marche pour tout : ne pas faire les taches ménagères, ne pas aller dans certains endroits, où mettre le monde à vos pieds. ( Bon certes, les gens ont sûrement un peu pitié, mais c'est un pouvoir redoutable. . Aprés tout, qui oserait dire non, à une petite bouille dépourvue de toute  pilosité faciale ?) Même, mes médecins étaient attendris. J'étais même devenue la "chouchou" d'un d'entre eux. Le personnel soignant avait ordre de ne pas me faire mal, et de faire absolument tout pour que mes traitements se passent bien. C'est comme ça, qu'en pleine autogreffe, en pleine aplasie, ils m'ont arrêté les antibio et tout le tralala pendant 45 min pour que je puisse mettre un patch d'Emla, sur ma CIP avant qu'ils ne changent le cathéter.  Certain diront chanceuse... 
   J'ai eu l'humour assez noir. Ça n'a pas dérangé grand monde. Mais j'ai quand même sortie des trucs hyper classe.  
   J'ai beaucoup défié du regard les gens qui me regardais mal ou fixement. Au début c'était pénible, puis c'est devenu un jeu. " Qui vais-je mettre mal à l'aise aujourd'hui?"

   Ce qui va avec, c'est que suis devenue le centre du monde. Au début ça me dérangeais. Au final on s'y fait vite. 
C'est moi qui choisissais les repas,  les programmes télé... 
J'étais connue partout où je passais, tous le monde voulait de mes nouvelles, j'ai eu plein de mots gentils ( et aussi pleins de cadeaux, mais ça je m'en vente moins). Une vraie princesse en somme. Je faisais ce que je voulais. 
   Mes parents prenaient soins de respecter mes envies "chimiotiques". J'ai eu souvent envie de manger des frites durant mes traitements. ( et des glaces..) Je vous dis pas la note qu'on a laissé au macdo. Et mes proches ont prit les kilos que je ne prenais pas. Certes, j'ai mangé n'importe quoi, avant qu'ils me mettent au régime. 
   Je peux le dire, je suis devenue une sacrée égoïste quand on y pense. Je ne me lasserai jamais de la tête des gens quand vous annoncez que vous avez un cancer. 
   Franchement, j'ai pas fais grand choses durant mes traitements ( même si, de temps en temps j'essayais), mais j'avais quand même, le super prétexte. J'étais forcément excusé et excusable. 

   Autres avantages, j'étais ultra fine ( maigre,  corrigerait ma mère). J'ai bien profité de ma taille 32/34 et de mon petit ventre plat. J'ai du passer par la case : Refaire une garde robe. Décidément, une habitude que je n'ai pas perdu aujourd'hui..  
    Puis tous les produits de beauté, crémes à gogo... toutes ces petites choses pour me chouchouter, pour me sentir bien... 
Et franchement, on en parle de l'épilation intégrale ? C'est quand même bien pratique : pas de rasage ou épilation , pas de poils incarnés, pas un poil de nez qui dépasse.  
   Sérieusement, je me suis trouvée belle, même sans cheveux. Je dessinais mes sourcils et mon crâne restait nu. Je disais que j'étais une punk. J'ai eu beaucoup confiance en moi. Beaucoup plus qu'avant et maintenant. En faite, j'étais une autre personne malade. 
C'est peut être pour ça , qu’après les traitements, il y a un vide.  
    Par contre je suis redevenue une enfant. C'était super confortable comme situation. Je me suis nourris que de dessin animé, et de jeux vidéo. Et encore une fois, on m'a laissé faire et on m'excusait de faire n'importe quoi.  
  

   J'ai aussi fais des rencontres vraiment top. D'autres personnes qui étaient malade aussi, mais pas que... Ambulanciers ( mes chauffeurs privés avec qui ont s'est vraiment fendu la poire), infirmier(e)s, pharmaciens, vendeuses ( bon du coup je fais partie de la team Yves Rocher, parce que chez Sephora ils me voyaient venir). Toutes ces personnes qui ont gravité autours de ma bulle.  Sans parler des jeunes qui font partis des associations.  

   En bref, je n'avais plus de tact, je ne manquais pas de rappeler que j'étais malade, j'ai été chouchouté, choyé par tous le monde, j'ai eu beaucoup d'attention. 
Puis un jour, mon frère m'a dit : 
                    " tu as eu un cancer, et alors ?". 
C'est à ce moment que j'ai su, qu'une page se fermait, et que Gérard et ses avantages, s’éteignait.
 Au final, je lui dis merci d'avoir mis un point, à ma période de princesse gâtée.